La cartographie d'injection

La cartographie d'injection ou pourquoi ajouter ou enlever de l'essence.

On va ici aborder le problème complexe de la quantité d'essence à injecter dans les cylindres pour régler correctement un moteur.

I/ Lexique

La première chose à faire est de définir un langage correct. Comment mesurer la proportion d'essence injectée en fonction de la quantité d'air admise? Avec une sonde, évidemment. Mais quelle info va-t-on en retirer?

La valeur de lambda,la richesse ou l'afr. Tous ces termes désignent la même chose (proportion air/essence dans le mélange) mais avec des valeurs différentes.

On va définir un peu tout ça et ce sera beaucoup plus clair.

Tout d'abord, parlons de stœchiométrie. (richesse 1) C'est la proportion d'air qui permet de brûler toute l'essence injectée dans le cylindre. Dans des conditions normales de température et de pression (là on parle des conditions atmosphériques), ça donne environ 14,7grammes d'air pour 1 gramme d'essence.

Ce qui donne 14,7:1 en afr puisque afr veut dire air/fuel ratio, soir rapport air/essence en bon français. Ce réglage là donne aussi une richesse de 1. Si on enrichit (plus d'essence pour la même masse d'air ou moins d'air pour la même masse d'essence), la richesse augmente (normal puisqu'on enrichit) et on passe au dessus de richesse 1.

La formule liant la richesse à l'afr est: richesse = 14,7 / afr

En général, les américains et les britanniques parlent en afr. Les français sont plus enclins à parler en richesse, et les germaniques ont tendance à utiliser la valeur de lambda.

La lambda est l'inverse de la richesse: lambda = 1/ richesse

Soit aussi: lambda = afr / 14,7

Attention à ne pas confondre lambda et richesse!!!!

Bon c'est clair pour tout le monde? Rassurez vous, pour la suite, on utilisera l'afr, qui à mon sens est la valeur la plus parlante.

II/ La sonde lambda

Intéressons nous maintenant au réglage proprement dit.

Quelle est la valeur donnant la puissance maxi? Il est reconnu que la Puissance maxi (Pmax) est obtenue aux alentours de 13:1. (soit environ richesse 1,13).

Bon, j'en entends déjà dire "ok,facile, si je règle pour être tout le temps à 13:1 j'aurais la puissance maxi!!"

Bien sûr,la réponse est... non.

Ce n'est pas aussi simple.

Il faut distinguer deux cas :
- la charge partielle (quand on conduit pépère, accélérateur pas à fond,ni même à 80%)
- la pleine charge (quand on veut accélérer fort, relancer le moteur ou atteindre des vitesses élevées ... bref, gaz à fond ... ou presque)

Dans le premier cas, on va faire attention à ne pas polluer, à ne pas consommer et à d'autres paramètres comme la survie de son catalyseur (pour les voitures qui ne datent pas de 15 ans et qui en sont donc équipées). Dans ce cas, on va, autant que faire se peut, se placer à un réglage stoechiométrique,soit 14,7:1.

Ainsi on ne polluera pas trop, etc, etc...

Pourquoi je parle du catalyseur? Simplement parce que c'est principalement à cause de ce dispositif d'antipollution que sont apparues les sondes lambda, qui permettent de connaître plus ou moins précisément quelle est la teneur en oxygène des gaz d'échappement et donc la richesse du mélange...
En effet, pour que les réactifs que l'on trouve à l'intérieur des catalyseurs ne soit pas soumis à des températures trop élevées (plus de 950°C) qui pourraient les détruire, il faut que le mélange soit de 14,7:1. Avec un mélange un peu plus riche, le processus de traitement des gaz d'échappement (oxydation) ne peut plus se faire correctement et la température augmente fortement, provoquant des dommages irréparables au catalyseur. En revanche, si la richesse augmente fortement, le cata est saturé et sa température diminue.

Donc pour dépolluer efficacement on reste à 14,7:1 (la majorité du fonctionnement d'un moteur), et après, en recherchant la puissance maxi, on peut monter à 13:1 (ou encore plus riche si besoin) sans dommage pour le catalyseur.

Mais pour bien gérer ce problème de mélange stoechiométrique à respecter, il fallait une sonde capable de mesurer la richesse du mélange, via la teneur en O2 des gaz d'échappement.

Ainsi sont apparues les sondes lambda.

Les premières sondes lambda se contentaient donc de "dire" riche ou pauvre au calculateur moteur selon qu'il était au dessous ou au dessus de 14,7:1. Ainsi, en charge partielle, celui-ci tenait compte de cette information et corrigeait en permanence la quantité d'essence injectée pour être toujours au plus prêt de 14,7:1.

En pratique cela se traduit par des oscillations continues entre environ 14,4:1 et 15:1.

Ce genre de sonde n'avait aucun intérêt à être plus précise qu'un bête oui/non puisque le véritable rapport air/essence du mélange n'était pas l'information souhaitée.

Voilà pourquoi la courbe de réponse (volts en fonction de l'afr) d'une telle sonde montre clairement qu'elle NE PEUT PAS être utilisée pour une quelconque mesure. En effet,en dessous de 13,5:1 et au dessus de 16:1 environ, le voltage délivré par la sonde n'évolue pas. Et entre 14,4 et 15:1, la pente de la courbe est si importante qu'une lecture précise est très difficile. Mais là encore, je rappelle que la mesure n'était pas le but de ces sondes.

Petit à petit les constructeurs (et les équipementiers, Bosch en tête) se sont aperçus qu'une information un tout petit peu plus précise qu'un bête oui/non pouvait être intéressante. Ainsi une sonde lambda moderne joue-t-elle toujours le même rôle, mais sa précision est devenue suffisante pour minimiser les oscillations autour de la stoechiométrie (oscillations désormais difficilement perceptibles) et pour offrir une information pouvant servir de mesure ... dans certains cas.

Voir ci-dessous la courbe de réponse approximative d'une sonde lambda bande étroite moderne:

On voit qu'entre 12 et 17:1, une lecture relativement précise est possible.

Pourquoi je parle de bande étroite? Simplement par opposition aux sonde dites large bande (ou Uego) qui elles ont une courbe de réponse et un mode de fonctionnement très différents qui permettent une lecture beaucoup plus précise et sur une plus grande étendue. Ces sondes là sont bien plus chères et sont principalement destinées à la mise au point des moteurs, bien que de plus en plus de voitures ont recours à ce type de sonde pour avoir leur information richesse, ce qui permet au calculateur d'agir sur l'ensemble de la cartographie moteur en faisant des corrections plus précises, sans se limiter à de petites oscillations en charge partielles.

III/ Le Réglage

Bon, on parle la même langue, on sait comment on mesure,si on réglait maintenant?

Il va nous falloir distinguer encore deux cas: - atmo - turbo

Quel que soit le cas, on ne s'intéressera qu'à la pleine charge, le réglage en charge partielle étant toujours de 14,7:1 et quelle que soit la carto, le calculateur corrigera pour atteindre ce réglage, grâce à l'info de la sonde lambda.

Pour les atmos, c'est simple, on vise 13:1 et on règle son injection pour arriver à cette valeur.

La richesse pourra ici être mesurée avec une sonde lambda bande étroite, si tant est qu'elle soit suffisamment moderne (il est recommandé de trouver la courbe de réponse correspondant à la sonde qu'on utilise. ... Bosch ne cache pas ce genre d'infos).

Pour les turbos, là ça se corse un petit peu.

Si on se met à 13:1 on sera effectivement à la Pmax. (puissance maxi) Mais le problème est que les gaz d'échappement seront tellement chauds, que les métaux utilisés pour le collecteur, le carter turbine du turbo et la turbine elle même ne vont que très moyennement apprécier la température. Risque de détérioration TRÈS rapide.

La limite couramment admise est de 950°C en amont turbine (juste avant le turbo, pour ceux du fond qui ne suivent pas!!).

Pour être sûr de ne pas dépasser cette limite, il faut mesurer cette température. Pour cela un thermocouple type K installé dans le collecteur juste avant la bride du turbo fera parfaitement l'affaire. Coût somme toute modéré en regard de la précision de réglage apportée (compter moins de 100€ pour un "kit" complet, avec un afficheur fonctionnant sur pile).

Comment ne pas avoir des gaz d'échappement trop chauds? Simple, en rajoutant de l'essence. On va donc se rapprocher d'un mélange de 12:1 voir même encore plus riche.

Le réglage optimum se situe donc là où on est le plus proche de 13:1, tout en ayant une température amont turbine inférieure à 950°C.

Là, le problème est qu'il n'y a pas de règle générale: certaines voitures ont de bonnes températures d'échappement à 12 voir 12,2:1 (Supra, GTIR...) quand d'autres supportent mal de tourner avec un mélange moins riche que 11:1 (Subaru) !!!

Bref, l'info température d'échappement est indispensable.

Pourquoi ne pas simplement se mettre à 11 ou 11,5:1 en se disant que pour la majorité des voitures turbo on aura ainsi un réglage qui ne mettra pas en danger le turbo?Simplement parce qu'on recherche ici la performance. Et que même si à hauts régimes le gain est minime (et qu'en général on finit souvent à 11,5:1 voire plus riche encore à hauts régimes), la différence à moyens régimes est plus que notable.

En effet, plus la température des gaz d'échappement est élevée, plus l'énergie contenue dans les gaz d'échappement est importante, et donc plus le régime de rotation du turbo va augmenter rapidement (on simplifie).

De plus, la température d'échappement n'est pas une information suffisante dans la mesure où en dynamique (quand on accélère donc), elle n'augmente pas instantanément et que vouloir atteindre 950°C à bas et moyens régimes risquerait carrément d'aboutir à un réglage trop pauvre.

Il faut donc aussi l'info richesse. En plus de cela, il faut pouvoir avoir une lecture de richesse qui soit rapide, précise et qui permette de lire jusqu'à environ 10:1 (même si 11:1 pourrait suffire pour la majorité des moteurs) pour être sûr de régler correctement sa cartographie.

Le couple idéal est donc thermocouple et sonde large bande (puisqu'une sonde bande étroite devient franchement imprécise sous 12:1).

Le problème est qu'une sonde large bande et son boîtier de traitement du signal et d'acquisition de données coûte environ 400€. A rajouter aux 100€ du thermocouple, ça monte l'addition à 500€, simplement pour savoir comment se comporte le moteur.

C'est un investissement qui peut sembler lourd mais qu'il faut relativiser: il permettra de régler efficacement plusieurs moteurs et les réglages seront bien plus optimisés qu'avec une simple sonde lambda bande étroite.

En revanche, il n'est pas forcément nécessaire de recourir à des tels investissement: ce genre de moyens de mesure n'a vraiment de sens que sur des moteurs vraiment poussés et où on cherche à grappiller les derniers chevaux.

C'est sûr qu'en se mettant à 12:1 avec une sonde bande étroite et en rajoutant "une louche d'essence" on sera assez safe pour le turbo sans pour autant avoir des performances minables.

En revanche, la plupart des boîtiers de traitement du signal des sondes larges bandes offrent aussi la possibilité de faire de l'acquisition de données. Là c'est un avantage certain par rapport à la simple lecture par voltmètre de l'info venant d'une sonde bande étroite. D'autant qu'on peut aussi afficher en temps réel d'autres paramètres intéressants. Ci dessous, une capture d'écran du soft d'acquisition de données (moteur éteint, boîtier sur off) utilisé avec le kit Techedge ( www.techedge.com.au ). Il permet ici de visualiser en plus de la richesse, le régime moteur, l'ouverture papillon, le voltage débitmètre et la température échappement (et on pourrait encore rajouter une info et deux températures). Ainsi, sur un même écran on visualise tout ce qui est nécessaire à la définition d'une bonne cartographie d'injection.

 

 

A vous de jouer ... !!!!

JSO ... Jon / Gérard               Retour à Préparation moteur